Nous étions partis dans les montagnes de l'Adrar et roulions vers Chinguetti.
C'est vers là-bas, dans les dunes qui commencent à l'orée de cette ville que le Petit Prince est descendu sur terre. Le Grand Machin voulait rencontrer des gens qui auraient pu le connaître ou l'avoir croisé.
Comme d'habitude quand on va dans le Sahel, nous étions avec Mata et Salek.
Et moi j'étais contente contente contente !
Ces montagnes sont incroyables. Toutes sèches. Et la terre est très rouge. Moi, la Miss Addis, je regardais par la fenêtre du 4x4, tranquillement assise sur les genoux de Mata et je remuais du popotin car Salek avait allumé l'autoradio et on écoutait de très jolies chansons Mauritaniennes.
Je me posais la question de savoir comment les gens peuvent vivre dans ces contrées. Il y avait de très grands champs de cailloux et de temps en temps, on voyait des plantations d'arbustes remplis de piquants. Tout à coup, dans un virage, on est passés dans l'ombre d'un gros camion avec plein de paquets qui faisaient comme une montagne à roulettes. Et tout en haut un mouton regardait lui aussi le paysage.
Il avait dû faire de l'auto-stop ou alors il était monté en douce et je me suis dit qu'il était très malin mais qu'il allait être tout décoiffé. Ca doit être rigolo un mouton qui essaie de se coiffer après un voyage en camion...
J'en étais là de mes considérations capillaires quand nous arrivâmes au col d'Amatil.
C'est à cet endroit qu'il y a eu une grande bataille au début du siècle dernier, même qu'aujourd'hui, les Mauritaniens y ont construit un musée. Malheureusement, comme il y a de moins en moins de touristes, le musée était fermé et nous n'avons pas pu le visiter.
Le Grand Machin voulait s'arrêter quand même et donc, on a tous fait oui de la tête pour lui faire plaisir et lui faire croire que c'était lui le chef. Et nous nous sommes arrêtés.
Le Grand Machin est descendu du 4x4.
Nous,on s'est regardé avec Mata et Salek et on n'a pas fait oui de la tête puisqu'il ne nous regardait pas et on est descendu avec lui pour nous dégourdir un peu les jambes.
Le paysage était vraiment impressionnant avec toutes les montagnes autour, et il y avait beaucoup de poussière puisque là-bas, les gens, on dirait qu'ils font pousser des cailloux.
Salek s'est assis par terre à l'ombre de la voiture, et avec Mata, on s'est dépêché de rejoindre le Grand Machin qui s'était déjà fait des copains.
Il discutait avec un petit garçon et une petite fille qui habitaient là. Dans une grande maison toute blanche.
La maman des enfants surveillait de derrière sa fenêtre et nous faisait un grand sourire.
Le garçon était beaucoup plus jeune que sa soeur, mais on voyait bien que c'était lui le chef. Sa soeur ne faisait pas oui de la tête, pourtant elle restait toujours derrière lui et regardait ce qui se passait avec des grands yeux très tristes. Le grand Machin voulait lui parler mais c'était toujours le petit garçon qui prenait la parole.
J'ai fini par comprendre qu'elle voulait aller à l'école, et qu'elle avait de bons résultats. Mais que sa famille était trop pauvre et que c'était le garçon qui, comme souvent, passait devant et faisait ce qu'il voulait.
Le Grand Machin, lui, n'avait rien compris et faisait plein de portraits du petit garçon pendant que Mata restait à côté, sans comprendre lui non plus que la petite fille était triste d'être mise à l'écart.
Ils ont continué la prise de photos et moi, je me suis glissée à côté de la petite fille qui n'a pas voulu me dire son prénom. Elle m'a raconté ses rêves, d'apprendre un métier, d'aller étudier dans de grandes écoles, tout dans le désordre parce qu'elle savait qu'elle n'avait pas beaucoup de temps pour me dire tout ça.
Pendant ce temps, le grand Machin il avait sorti une balle de tennis et jouait avec Mata et le petit garçon qui était tout fier d'être au centre de toutes les attentions.
La maman regardait la scène et avait les yeux qui brillaient.
Puis, les deux bipèdes ont fait un petit signe à la fillette. Elle a regardé sa maman qui lui a fait signe d'y aller. Tout timidement, elle est allée à la rencontre du Grand Machin et de Mata.
Le Grand Machin s'est accroupi et a montré à la fillette les photos qu'il avait faites. Et lui a glissé quelque chose dans la main en lui disant quelque chose que je n'ai pas entendu.
Moi, je boudais et je suis allée discuter avec la maman, toujours assise derrière sa fenêtre.
La petite fille est devenue toute raide et a fait un grand sourire. Elle est arrivée en courant vers nous et a dit quelques mots à sa maman. Je n'ai pas compris parce qu'elles ont parlé en Mauritanien.
La maman a regardé le Grand Machin qui discrètement a fait chuuuuut en mettant un doigt sur sa bouche.
La maman a souri, ses yeux sont devenus tout brillants. Et elle a fait elle aussi chuuuuuuut et dit oui de la tête.
La petite fille, elle tenait quelque chose dans sa main, très serrée et elle souriait. Avec les yeux très brillants. Il y a tellement de poussière dans le coin !
Mata a donné un petit billet au petit garçon pour qu'il s'achète des friandises et nous sommes remontés dans le 4x4 et sommes partis.
Moi, je boudais toujours.
Mata a dit au Grand Machin qu'ils avaient fait ce qu'ils pouvaient et qu'il passerait de temps en temps pour s'assurer que la petite fille aille bien à l'école.
Je me suis retournée et j'ai vu la petite fille au milieu de la route, les poings serrés sur sa poitrine, qui nous regardait partir.
Dans le Sahel on dit : quand ton ami a soif, tu lui donnes ton eau, et toi, tu gardes ta soif.
Je me suis dit que j'avais beaucoup de chance de venir d'où je viens.
La vraie vie n'est pas forcément dans ce que l'on voit.
Les actes vrais souvent n'ont que faire des apparences.
La Miss Addis